Biographie de Jean Guyot de Châtelet ou Ioannes Castileti (1512 ou 1520 ? – 1588)
Vous ne trouverez pas ces renseignements sur Internet. Ils proviennent d’un livre réalisé par Madame Benedicte EVEN-LASSMANN : Les musiciens liégeois au service des Habsbourg d’Autriche au XVIe siècle, Tutzing, 2006.
Châtelet, qui appartenait à la principauté de Liège, plus exactement au chapitre de la cathédrale Saint-Lambert, était prospère, enrichie par de nombreux métiers et par le commerce ; elle jouissait d’une vie culturelle : on y trouvait des écoles, un centre administratif, un hôpital, une importante chorale paroissiale et une « chambre de rhétorique », groupement littéraire, qui s’occupait de poésie et de théâtre. Il y avait la marche Saint-Roch, un Jeu de la Passion. Né dans une famille d’ artisans aisés, Jean Guyot y suivit un enseignement à l’école latine, dont le maître était aussi maître de musique. Il participa au chœur de la paroisse, fut envoyé à l’université de Louvain au moment de la mue de la voix, il y fut consacré prêtre, puis recruté pour le chœur de la cathédrale Saint-Lambert à Liège.
Il y devint maître des choristes en 1543. Comme la plupart des intellectuels de son temps, il latinise son nom en Ioannes Castileti: Jean de Châtelet.
Quelques années plus tard, il devient maître de chapelle (c’est-à-dire responsable de l’organisation musicale et compositeur) à la collégiale Saint-Paul, avant de retourner comme maître de chapelle à la cathédrale.
En 1563, il est appelé à Vienne par Ferdinand Ier, frère de Charles-Quint et empereur germanique. Mais son employeur décède un an plus tard et, pourvu d’un revenu confortable, il retourne à Liège où il se livre surtout à l’enseignement.
Sa musique est dans la ligne de Josquin des Prés : une polyphonie élaborée, non dénuée d’expressivité. Vers la fin du siècle, ce style est passé de mode, remplacé par des formes plus simples, et Jean Guyot/Ioannes Castileti tombe dans l’oubli.
Ses fonctions ecclésiastiques ne l’empêchèrent pas de composer des chansons plus légères.
Son élève : Jean de Fosse ou Ioannes de Fossa (entre 1540 et 1560 – 1603) Source: Bénédicte Even, op. cit.
Selon certains, il serait né à Gosselies, mais son nom évoque plutôt, comme lieu d’origine, Fosse-la-Ville, qui appartenait à l’époque à la principauté de Liège. Nous connaissons peu de choses de lui et sa date de naissance est une conjecture. Il fut l’élève de Jean Guyot de Châtelet, qu’il cite dans un manuscrit comme son « dominus et magister », termes qui signifient « maître » dans deux sens : celui qui commande et celui qui enseigne. C’est probablement à la cathédrale Saint-Lambert de Liège qu’ils se sont connus.
Pour la suite, nous savons de Jean de Fosse qu’il fut engagé en 1569 comme chantre et vice-maître de chapelle à la chapelle de Munich, adjoint à Roland de Lassus. Un document nous apprend qu’en 1570, il présenta à Sa Majesté une messe qui lui valut une gratification de 30 florins ; un autre nous le montre anobli par Rodolphe II en 1594, date à laquelle il succéda à Roland de Lassus comme maître de chapelle à la mort de celui-ci. Il mourut à Munich.
Il nous reste de lui des messes et motets, dont la Missa super Theutonicam cantionem « Ich segge à Dieu ». Son style est plus proche du baroque, sa polyphonie plus claire et plus aérée que celle de son professeur.
Les « Motets Wallons » (Source: Antoine AUDA, Les « Motets Wallons » Bruxelles, 1953)
Il s’agit de 34 chants de compositeurs anonymes du XIIIe siècle, qui ont été transcrits sur un manuscrit rédigé à l’abbaye de Saint-Jacques à Liège. On retrouve la plupart d’entre eux dans d’autres manuscrits européens, notamment le manuscrit de Montpellier, qui est le plus riche en compositions de cette époque. Seulement 5 pièces appartiennent exclusivement au manuscrit liégeois.
La plupart sont des « motets » à trois voix. Le motet s’est constitué à partir du chant grégorien: des fioritures se sont ajoutées à la mélodie de base appelée teneur ou tenor; sur ces fioritures on a mis parfois des paroles, religieuses ou profanes; une deuxième voix s’est superposée à la teneur, d’abord parallèlement puis avec des mouvements contraires ; les fioritures sont devenues des mélodies à part entière qui se sont superposées aux autres voix. Ainsi, ces chants polyphoniques peuvent comporter une voix grave sur un vestige de texte sacré, une 2e voix en latin et une 3e en français.
Le manuscrit, trésor exceptionnel, a été emmené à Turin dans la bibliothèque de Charles-Albert de Savoie au XVIIIe siècle, après la vente de la bibliothèque de l’abbaye. Les motets ont été étudiés et transcrits notamment par Antoine Auda et publiés en 1953.
D’après les spécialistes, ces chants n’ont rien de wallon à part quelques particularités orthographiques occasionnelles.
Ils se caractérisent par des intervalles de quarte et de quinte et par une polyphonie à 3 voix : un cantus firmus chanté ou joué par la voix la plus grave, généralement sans paroles, une voix supérieure avec un hymne en latin, une 3e voix avec un poème en français sur le thème de l’amour (ou l’inverse). Ces fantaisies provoquent l’ire des dirigeants de l’Eglise et Jean XXII (pape de 1316 à 1334) lance des imprécations contre ces « chansons licencieuses introduites dans la Maison de Dieu ».
Etienne de Liège (1850-920) (Sources: Internet; Antoine AUDA, La Musique et les Musiciens dans l’Ancien pays de Liège, Bruxelles, Liège, Paris, 1930)
Etienne de Liège est sans doute le plus ancien compositeur répertorié de la région francophone de Belgique. Né vers 850, et chanoine de la cathédrale de Metz, il fut évêque de Liège et abbé de Lobbes de 901 à 920. On lui doit le Magna Vox qui devint plus tard l’hymne de la principauté de Liège. Spécialiste du chant grégorien, il aurait été le premier compositeur à écrire un office propre pour la fête de la Trinité, In Festo Sanctissimae Trinatis. Deux importants documents attestent de son œuvre, le Psautier de Lothaire et le Légendier de la cathédrale Saint-Lambert. Etienne de Liège se positionne donc en plein développement du chant grégorien instauré par Charlemagne (Le Soir du 16 août 2010). C’est celui-ci qui l’a imposé dans le culte en l’attribuant au pape Grégoire le Grand.
Nicolas Payen (1512-1559)
Source: Laura Pollie Mc Dowell, A-R Editions, Inc.
L’éditeur Tielman Susato, d’Anvers, signale sa naissance à Soignies en 1512. Il entra à la chapelle musicale de Charles-Quint en 1522 et il y restera pendant 30 années, la plupart du temps en Espagne.
Il fut élève de Nicolas Gombert. Mais sa musique deviendra plus claire, plus consonante et plus harmonique que celle de son maître, avec beaucoup d’expressivité. Il fait alterner des passages de polyphonie imitative et des passages homorythmiques. Il a composé 30 motets, 1 choral et 5 chansons. Le choral et plusieurs motets étaient destinés au culte protestant. Ses œuvres furent imprimées à partir de 1538.
On sait qu’en 1535-1538, il voyagea en Italie avec la cour. Il revint en 1539 en Espagne pour les funérailles d’Isabelle de Portugal, épouse de Charles-Quint. Peu de temps avant l’abdication de Charles, il fut nommé maître de la Capilla Flamenca, qui fut reprise par Philippe II lorsqu’il monta sur le trône en 1156.
En 1558, il est chanoine à la ville de Tournai. Il était présent aux Pays-Bas pour les cérémonies données à l’occasion de la mort de Charles, en 1558.
Son nom apparaît pour la dernière fois sur le registre de la chapelle le 24 avril 1559. Il est enterré à Sainte-Gudule (ou cathédrale Saint-Michel) près de l’autel de saint Jérôme dans le transept sud.